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"MES SOUVENIRS AVEC HENRI DUTILLEUX ... "

 

 

      "Etudiant dans la classe de Musique de chambre de Geneviève JOY pianiste et épouse d'Henri Dutilleux au CNSM de Paris, j'ai eu l'immense privilège de connaitre ce compositeur de génie.

 

     A chacune de nos rencontres, et il y en a eu beaucoup par la suite pour les "strophes" et le concerto pour violoncelle, j'ai pu découvrir un homme simple et humble qui semblait exercer son métier comme celui d'un simple musicien, comme le boulanger qui fait son pain, une autre nourriture dont l'Homme a besoin pour vivre. Lors des pots de fin d'année de la classe de musique de chambre, dans leur appartement de la rue St Louis en l'île qui se déroulaient sans mondanité ni tape à l'oeil, G.Joy et lui même nous recevaient comme des amis qui viennent passer une bonne soirée. Et comme elles étaient belles et riches ces soirées !

Sous le tableau de son descendant le peintre Constant Dutilleux, il se mettait au piano et réduisait des symphonies de Mahler ou bien de Brahms, comme d'autres font des mots croisés. Il m'avoua un jour lorsque nous descendions de chez lui et passant devant la célèbre brasserie de l'Ile St Louis, "qu'il dégustait là, et le plus souvent possible..., les meilleures omelttes au lard de Paris". Et oui, les génies aussi aiment la bonne cuisine !

 

      Le suppliant d'écrire un trio à cordes pour le Trio BORSARELLO, il me dit simplement "

J'y songe mais j'écris si lentement..."

 

     Aujourd'hui hélas, nous ne l'attendons plus... Cette oeuvre que mes frères et moi convoitions avec tant d 'espoir, est partie avec lui rejoindre les sonorités célestes de ses célébres prédécesseurs Français Faure, Debussy, Ravel, Messiaen...et bien d'autres encore. Il ne manquait jamais de répondre à mes lettres de félicitations pour l'audition d'une nouvelle oeuvre, dont je guettais avidement la création. Je les relis aujourd'hui avec beaucoup de tendresse. J'ai vu H.D pour la dernière fois à la Maison de la Radio pour une nouvelle création et je fus surpris qu'il me reconnaisse encore (il avait 93 ans...). Il me dit : "Ah oui Borsarello, je pense à votre trio à cordes mais je songe à écrire un deuxième quatuor". Cette oeuvre là aussi restera "dans la nuit...". C'est Henri Dutilleux qui me fit découvrir la magnifique phrase de Charles Baudelaire extraite des "Fleurs du Mal" qui illustre le mouvement V ("Hymne") du concerto pour violoncelle.

 

     "Garde tes songes, les sages, n'en ont pas de si beaux que les fous..." vers qui fait encore aujourd'hui partie de ma vie et qui est devenue pour moi toute une philosophie.

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